Murièle Camac : Jour des morts
1.
Vos temples sont pleins d’ombres
étayées de planches de lumière
longues et solides comme un lit.
C’est pourquoi l’esprit fatigué
s’y allonge aussi facilement.
Nous y entrons comme dans une sieste.
Y flotte une odeur de fiction.
Vos temples sont pleins de grottes,
de bruits de gouttes d’eau,
de lacs souterrains.
Les langues qu’on y parle, c’est fait
exprès pour qu’on ne les comprenne pas.
2.
Nuit du milieu des eaux.
Bruits des esprits.
Les bateaux criaient dans le port,
secouaient leurs bois tourmentés.
Un langage d’égarés, de cigales folles.
Des démons flottaient
dans la transparence du ciel.
Nous étions pris dans un récit étranger.
Mars épiait dans la nuit, méchant petit point rouge
qui ne guidait pas au sol les pieds hésitants,
les pas fantômes faits sans éclat.
3.
Le temps est une drôle de mer.
Dans ses courants froids
glissent des poissons sans parole,
des méduses sans anecdotes.
Lentes sont les heures, rapides les années.
Elles glissent comme des poissons,
des pieds glacés,
quittant les golfes tropicaux,
nageant vers les pôles où l’on ne rit plus.
(extrait du recueil Une Odeur de fiction à paraître en 2025 aux éditions Exopotamie)
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