En 2020, alors que le monde se repliait face à la crise sanitaire, les éditions Exopotamie ouvraient leurs portes et dessinaient un chemin pour que la poésie puisse y courir en liberté. Après six ouvrages édités et autant de projets à venir, le magazine L’Essentiel est allé à la rencontre de la directrice et éditrice Mélanie Cessiecq-Duprat, son goût pour les textes dénichés ici et là et surtout là où les poèmes poussent comme des fleurs perce-pierres.
Si vous cherchez le désert d’Exopotamie sur une carte, vous ne le trouverez pas, sauf désormais à la Bastide-Clairence au Pays Basque, là où Mélanie Cessiecq-Duprat a installé sa maison d’édition créée en 2020. Ou bien (l’un n’empêche pas l’autre), il vous faudra (re)lire « Un automne à Pékin » de Boris Vian pour fouler cette terre de sable dépeuplée où quelques personnages absurdes tentent de construire un chemin de fer.
L’éditrice qui cherchait un nom de lieu imaginaire pour son projet trouve la référence parfaite, assez spacieuse pour contenir et libérer le geste poétique. « En grec ancien, le mot Exopotamie signifie : exo (hors de) et potamós (fleuve ou rivière). Quelque chose qui évolue à côté, en dehors ou en parallèle », explique Mélanie Cessiecq-Duprat, dont le goût pour les sentiers non balisés se confirme notamment aux choix des ouvrages retenus.
En terre d’Exopotamie, certains sujets se respirent plus que d’autres, palpables dans l’air comme une trame de fond. « Mon vécu et mes origines pied-noir m’ont sensibilisé aux thèmes de l’identité, des frontières, des paysages, des explorations », raconte l’éditrice. Son parcours professionnel dans l’art et l’audiovisuel se ressent également. La femme parle volontiers de musicalité, de couleurs et de mouvements pour aborder les ouvrages retenus. « Tous ont en commun d’avoir un fil conducteur. Je m’intéresse rarement aux recueils construits de façon dit « classique », aux textes qui se suivent sans faire lien », précise-t-elle. Nous revoilà au fameux chemin de fer de Boris Vian, cette colonne vertébrale qui tient le lecteur et le mène quelque part, même au vide, pourvu que le voyage soit plein et ne perde personne en route.
Oralité, peinture, dessin, photographie, musique trouvent spontanément leur place dans cet espace imaginé par une femme au cœur et au parcours battants et dont le terrain intérieur prédestinait sans doute aux effluves poétiques. Mélanie Cessiecq-Duprat se découvre un lien avec l’écriture alors qu’elle étudie l’audiovisuel aux Beaux-Arts à Bordeaux, lors d’ateliers sur le langage en présence du poète Emmanuel Hocquard. Elle fabrique alors de bric et de broc et sur machine à écrire sa première maison d’édition « les éditions du vide-poche » entre 1995 et l’an 2000. Elle exerce dans l’univers de la vidéo, au sein d’une compagnie de danse et devient régisseuse pour une Maison des arts puis coordinatrice d’une école supérieure d’Art. En 2020, elle décide de cultiver ses propres terres. Elle retourne à la vidéo en tant que directrice artistique et fonde les éditions Exopotamie.
Créer une maison d’édition spécialisée dans la poésie n’est pas une mince affaire. Si beaucoup aiment l’écrire, le lectorat, lui, est mince. L’éditrice spécialiste des arts le sait bien : « Je peux comprendre la réticence des gens face à la poésie : ça me rappelle le heurt qui peut se produire face à l’art contemporain. Le lien peut être évident ou demander un effort pour ressentir ou comprendre la logique de l’œuvre, son pinceau, sa voix, son chemin. Il peut s’agir d’un jeu de lumières, d’une cassure, d’une interruption ».
Aux éditions Exopotamie, les textes font Écho, Écumes ou Éclats, trois collections bientôt rejointes par la dernière venue : Extras. La collection Éclats compte à ce jour trois recueils. Matin de lumière de Jasmin Limans, Poésie-Paléo de Maxime Morel, ou encore, Une femme c’est un indien, de Murielle Camac. À la rentrée prochaine, cette collection se verra enrichie du recueil de Tom Saja, Cette main qui tient le feu. Résonnante comme des petites mélodies intérieures, la collection Échos compte deux recueils : Fugues de Marie Lo Pinto et Ce peu et ce tout chavire de Samuel Buckman. Du côté de la collection Écumes qui aime mettre en lien textes poétiques et œuvres graphiques, il y a Vivre dans une maison de verre de Nicolas Rouzet et Pauline Rouzet. Il sera rejoint par Le sang des filles de Julie Nakache et Toutes ces choses qui font craquer la nuit de Cécile A. Holdban durant cette saison 2022-2023. « Cette collection est une porte d’entrée plus évidente dans l’univers de la poésie », explique Mélanie. Enfin, le recueil de François Froget, Polaroïds, inaugurera cette année la collection Extras, plus orientée sur la forme de la nouvelle poétique.
En bref, l’Exopotamie, c’est loin et près à la fois. Il suffit de passer la porte d’une librairie du coin, du site officiel ou d’ouvrir un des recueils édités pour en trouver les grains de sable. On vous recommande évidemment de les suivre : ils mènent tous quelque part.
Kattalin Dalat
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