Cette main qui tient le feu sur "Terre à ciel" par Valérie Canat de Chizy

Tom Saja, Cette main qui tient le feu

 

" Dans Cette main qui tient le feu, Tom Saja aborde le pouvoir qu’a l’homme de créer et de détruire. Les premiers textes évoquent l’homme des cavernes découvrant le feu en frottant deux silex. Voilà l’étincelle. L’anthropocène d’aujourd’hui contribue à la destruction d’une planète qui se réchauffe au point de brûler. Voilà l’incendie.

Des milliers de siècles plus tard

il bruine
sur le monde en ruines

il pleut
sur le monde en feu

Tom Saja fait jaillir l’étincelle de cette main qui tient le feu, soufflant sur les braises d’un amour naissant qui s’embrase, nous entraînant dans un périple à deux depuis le bitume d’une cité jusqu’au bord d’un lac perdu au milieu de nulle part. Une vie s’invente sous nos yeux dans une soif d’émancipation et de liberté, de retour à la nature et d’éloignement de toute marque de civilisation. Le verbe est ardent, le souffle de la poésie rend perceptible cette volonté sauvage d’un retour au primitif.

Quitter la ville, et toute cette eau sur le bitume qui s’évapore sans goûter à la terre, faire un autodafé des meubles sur le trottoir, louer une voiture, partir à l’aventure, avoir le coup de foudre pour un coin paumé au bord d’un lac au point de vouloir s’y installer. Un lac de toute beauté.

Ton ventre a gonflé

un journal local disait que le lac portait chance à
celui qui naissait en son sein

nous n’avions pas de pays alors nous sommes restés

nous nous sommes installés dans une estancia
fleurissant entre les persiennes des arbres
à flanc de montagne

personne à la ronde
le lac comme seul voisin

Construire un nid, voir la courbe du ventre s’arrondir, accueillir un garçon, comme un berger l’avait prophétisé, agencer le monde autour de ce microcosme, tout en étant conscient des ravages du capitalisme, de la raréfaction de l’eau, de l’attrait mortifère de la ville, qui scintille de mille feux, et vers laquelle l’enfant devenu adolescent aspirera un jour d’aller.

Entre beauté à couper le souffle, bonheur quotidien, tartines de beurre marc de café et petites cuillères, lucidité sur l’état du monde, le recueil nous emporte sur une piste où vole la poussière, où le feu est le dieu de la création et de la destruction, où le vivant, qui retrouve ici sa juste place, est à la fois préservé et menacé.

Un très beau recueil."

Valérie Canat de Chizy

Article paru sur Terre à ciel le 14 octobre 2022 :
Lus et approuvés (octobre 2022) par Valérie Canat de Chizy - Terre à ciel (terreaciel.net)



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